Les rapports immédiats entre offre et demande ne régissent que certains de ces prix.
1. La théorie néoclassique des prix est une pétition de principe.
Les Éléments d’économie politique pure de Léon Walras dessinent la magna carta de la révolution marginaliste, fondatrice de la théorie néoclassique des prix, affirme Mark Blaug. Or Walras, dès les premiers chapitres de son livre, soutient que la façon dont le cours d’une action en bourse se forme vaut pour n’importe quel prix. Non seulement ni lui ni ses continuateurs ne l’ont démontré, mais aussi « l’analyse primitive des faits qui doit précéder l’analyse mathématique », préconisée par Paul Valéry après avoir lu Walras, conduit à constater l’impossibilité de cette démonstration. La magna carta est une pétition de principe.
2. Les marchés par excellence n’existent que sur le papier.
Postuler que toutes les valeurs d’échange marchand ont davantage en commun que d’être des prix, puis le tenir pour certain sans l’avoir vraiment démontré est aussi fautif que toute autre pétition de principe. Cette erreur, par inadvertance (paralogisme) ou délibérée (sophisme), conduit à juger que dans les marchés certains le sont par excellence. L’accréditation du postulat de l’offre et de la demande en tant que régulateur principal de tous les prix fait voir les bourses de valeur et les salles de vente aux enchères comme étant davantage que la plupart des autres de vrais marchés. Ces prétendus marchés par excellence ont une caractéristique normalement absente d’autres marchés de grande importance. Au contraire du marché du travail et des marchés, de la plupart des produits vendus par les entreprises notamment, ils donnent accès à la réalisation de plus-values, c’est-à-dire à des transferts au moyen d’échanges.
3. Sur le marché immobilier et sur le marché boursier, les intermédiaires sont des entreprises.
Sur les marchés de collections prestigieuses et d’occasion, les intermédiaires sont aussi des entreprises qui vendent une prestation de service. Les prix de ces services sont susceptibles d’être régulés par les rentabilités de ces entreprises. En revanche, les prix des objets sur lesquels les transactions portent sont uniquement ou principalement régis par le rapport immédiat entre l’offre et la demande, sans autre régulation que la vente au mieux-disant.
4. Sur des marchés de matière première, notamment d’origine agricole, minière, forestière ou halieutique, la vente interentreprises au mieux-disant est également pratiquée.
Les prix qui résultent de ces ventes sont, eux aussi, régis par le rapport immédiat entre l’offre et la demande. Ils n’en ont pas moins un autre régulateur de leur niveau. Les vendeurs y sont en effet des entreprises. Quand les rentabilités d’un secteur constitué par ces entreprises se révèlent sensiblement et durablement plus élevées que le TMNP et quand l’entrée dans ce secteur reste ouverte, la concurrence des nouveaux entrants a pour effet de rapprocher les rentabilités du TMNP.
5. Sur les autres marchés approvisionnés par les entreprises, la concurrence tend à éliminer la vente au mieux-disant.
Lorsque sur l’un de ces autres marchés, les acheteurs peuvent opter pour l’une des offres concurrentes des vendeurs, moins de marchandage devient avantageux. Le temps pris par les transactions s’en trouve réduit, la défiance des acheteurs à l’égard des vendeurs est moindre, le commerce peut se faire plus industriel. Les entreprises qui font de ces avantages des caractéristiques de leur offre en viennent à être plus rentables que celles qui s’attardent à la vente au mieux-disant, là où des concurrents ont établi que son abandon réussit.
6. Le plus gros des ventes des entreprises se fait sur des marchés où la concurrence a éliminé la vente au mieux-disant.
Par cette élimination, les prix pratiqués sur ces marchés ne sont pas régis par un rapport immédiat entre l’offre et la demande. Alors des rentabilités deviennent, pour autant que la concurrence soit organisée à cette fin, plus étroitement régulatrices de ces prix, comme nous allons l’établir dans la suite de ce chapitre.
7. La régulation par les rentabilités, au sens générique, mais univoque rappelé plus loin, du plus grand nombre des prix auxquels les entreprises vendent, est potentiellement beaucoup plus fine que la théorie économique l’admet jusqu’à présent.
Mais cette loi de régulation, énoncée plus loin dans le présent chapitre, ne fonctionne à plein régime que si la concurrence entre les entreprises est organisée à cette fin. Pour ne citer ici qu’un cas, c’est en vertu de cette loi que l’interdiction faite aux banques commerciales d’être à la fois « de détail » et « d’investissement » renforce beaucoup plus la viabilité de l’économie de marché qu’elle ne la compromet.